Rencontre avec Pinar Selek : Le chaudron militaire turc, un exemple de production de la violence masculine.
Pınar Selek s’intéresse aux différentes étapes de la construction de la domination hégémonique masculine, essayant de « sonder les ténèbres qui font d’un bébé un assassin ».
L’enquête de terrain initiale menée en 2007, l’avait conduite à rencontrer des hommes d’origines géographiques et de milieux sociaux très différents sur plusieurs générations ayant seulement en commun d’avoir été obligés de faire leur service militaire, obligatoire en Turquie. L’autrice y étudiait les différents mécanismes à l’œuvre pour formater les individus : dépersonnalisation, violence, soumission, absurdité et arbitraire d’ordres auxquels les jeunes appelés ne peuvent se soustraire, nationalisme et culte du pouvoir, de la force.
Avec ce nouveau livre qui réarticule les éléments de ses recherches précédentes, Pınar Selek élargit sa réflexion, nourrie de références philosophiques à nos sociétés toutes entières, régies par un capitalisme effréné et un mépris à l’égard des femmes dans un contexte mondial de guerres et une montée des régimes autocratiques. Un texte fort et nécessaire.
C’est dans un cadre très particulier, celui du système répressif turc, que Pınar Selek a mené son enquête, défiant la censure omniprésente. Exilée en France depuis 2011, elle est victime d’un acharnement judiciaire de la part de l’État turc depuis 25 ans et menacée de mort.