Le syndrome de l'Orangerie
Bmore, l'alter ego de Grégoire Bouillier, est de retour !
Alors il n'est pas dans une forme olympique. La dernière enquête (cf. Le Coeur ne cède pas) l'a un peu fatigué, il est bougon et aucune affaire que lui propose Penny ne l'emballe...et puis il est hors de question que Bmore/Bouillier se spécialise dans le fait divers ! Bref, il tourne en rond. C'est alors que Bmore accompagne Penny admirer les Nymphéas de Monet à l'Orangerie.
Et c'est le choc ! Non pas immédiatement un choc esthétique comme attendu mais plutôt une sorte de malaise, d’angoisse morbide devant ce chef d’œuvre de l’impressionnisme. Pas de doute un mystère, un cadavre doit se cacher dans le tableau. Pour Penny, le pauvre Bmore déraille sec...hors de question pour elle de se jeter dans cette galère ! Le détective se retrouvera donc seul face aux nymphéas et ses possibles fantômes.
Bmore n'a pas à chercher bien longtemps. Le contexte historique et la biographie de Monet offrent les premiers éléments de réponse à Bmore. Les Nymphéas sont écrasés par la guerre de 14, par le décès de Jean, fils aîné de Monet, par le départ de son autre fils, Michel, au front, par la vieillesse même de Monet et l'évolution de sa cataracte qui le rend aveugle...Mais tout cela paraît bien peu pour Bmore qui devant ces premières révélations note :
« Je n'ai, jusqu'à présent, fait qu'effleurer l'écume des Grands panneaux et il faut zoomer encore plus loin. Zoomer à mort, jusqu'à franchir la barrière macroscopique du visible. Afin d'épuiser le mystère des Nymphéas. Epuiser ma propre angoisse. Ce qui revient au même ».
Et c'est parti pour 500 pages alertes et digressives à souhait qui enchantent par leur capacité à saisir ce qui se joue derrière la peinture quand on la regarde vraiment, à jouer des résonances pour créer du sens, à prendre à bras le corps la question lancinante de la perte et de l'inapaisable chagrin. Tout le style de Bouillier est contenu dans cette tension entre une forme libre, voltigeuse et un propos ancré solidement dans notre fragile humanité.
La lecture du Syndrome de l'Orangerie est comme un saut à l'élastique...vous avancez d'un pas tranquille vers le vide, vous êtes rassuré par le thème affiché en 4ème de couverture (Monet, l'impressionnisme...vous gérez!), vous sautez...et d'un coup, la tension du texte est à son comble, il s'arrête net et l'émotion contenue en creux dans tout le texte remonte d'un seul coup !